Fils de l'homme
Dans les évangiles, Jésus utilise l'expression « Fils de l'homme » pour parler de lui-même. Mais, quelle est donc la signification de cette mystérieuse expression qui est utilisée plus de 80 fois dans le Nouveau Testament? Pourquoi Jésus n'a jamais dit expressément qu'il était le Messie, le Christ, l'Oint ou l'Élu?
Généralement parlant, cette expression renvoie à la partie humaine de Jésus-Christ et souligne que le Fils de Dieu a pris un corps et une âme.
Dans la Bible, l'expression « Fils d'homme » est utilisée en français pour traduire l'expression « bar nasha » en araméen et l'expression «uios tou anthrôpou » en grec et signifie tout simplement un «être humain», une personne en général ou en particulier ou, encore, « moi » ou « je ». Il s'agissait d'une expression araméenne assez courante. Cela dit, Jésus ne se désignait pas comme « Fils d'homme » mais, bien comme « Fils DE L'homme ».
Avant de continuer, j'aimerais apporter deux précisions importantes. Tout d'abord, l'expression « Fils d'homme » dans la Bible fait indirectement référence à l'acte masculin et ''quasi-divin'' d'engendrer la vie par opposition à l'acte féminin et ''presque trivial'' (sic) d'enfanter. On croyait alors que la vie provenait uniquement de la semence et que la femme ne fournissait que la matrice pour que la semence se développe. Autrement dit, on ne pensait pas qu'il y avait à l'intérieur de la matrice quelque chose (l'ovule) à féconder. On pensait alors que le Créateur a donné à Adam la faculté de procréer, c'est-à-dire de créer des descendants avec Son aide, car Il l'a créé à Sa ressemblance. Dieu ayant créé et façonné Ève à partir de la côte d'Adam, à la ressemblance du modèle existant, Il ne lui a pas donné cette sublime faculté de procréation. À la place, il a mis en son sein la matrice indispensable au développement de la ''quasi-divine'' semence. De plus, comme elle a cédé à la tentation du serpent, Dieu l'a punie en augmentant la souffrance de ses grossesses, en faisant en sorte qu'elle enfante dans la douleur et en faisant d'elle l'inférieure de l'homme. Évidemment, il ne s'agit pas ici de mes opinions, mais des croyances à l'époque de Jésus.
En ce qui a trait à ma deuxième précision, elle concerne la différence entre « Fils d'homme » et «Fils de l'homme » dans la Bible. Les traductions actuelles de la Bible reposent sur la Vulgate – la première traduction en langue vernaculaire, en l'occurrence le latin –, sur les deux plus vieux codex (Sinaiticus et Vaticanus) en grec ancien ainsi que sur les manuscrits de la Mer morte. Il est important de mentionner que c'est à l'instigation du Pape Damase 1er que Saint Jérôme – le saint patron des traducteurs, qui est fêté le 30 septembre – a, d'une part, révisé les anciennes versions des textes sacrés déjà en latin en les comparant aux manuscrits grecs et hébreux en sa possession pour s'assurer de la fidélité de la traduction, d'autre part, a traduit les manuscrits grecs et hébreux pour lesquels il n'y avait pas de traduction latine. L'objectif de ce Pape était double. Premièrement, il voulait éliminer les divergences qui existaient entre les diverses versions latines qui circulaient déjà au IVe siècle. Deuxièmement, il voulait éviter que certains fidèles ne s'égarent en raison de dérives causées justement par des erreurs de traduction. Saint Jérôme a donc porté une très grande attention à tous les concepts dans sa version définitive de la Vulgate. Les équipes de traduction de la Bible en français moderne ont comparé la Vulgate aux codex et aux manuscrits de la Mer morte dans le cadre de leurs travaux. Si elles ont utilisé « Fils d'homme » dans certains cas et « Fils de l'homme » dans d'autres, c'est sûrement parce qu'il y a une différence entre les deux notions et qu'elles ne sont pas interchangeables.
Revenons maintenant à l'objet principal du présent billet. L'expression que Jésus qu'a utilisée pour parler de lui-même figure aussi dans l'Ancien Testament. Dans cette partie de la Bible, l'expression « Fils de l'homme » au singulier est polysémique. En fait, elle revêt trois significations différentes. Elle désigne tout d'abord l'homme qui est conscient de sa condition misérable et pitoyable de créature sur Terre et qui demande au Seigneur si parfait et si éloigné de daigner jeter un regard sur sa créature. À l'évidence, ce n'est pas dans ce sens que Jésus l'employait.
Dans le Livre d'Ézéchiel, l'expression « Fils de l'homme » est très souvent employée par Dieu lui-même pour désigner le prophète Ézéchiel dans plusieurs visions. Elle signifie un être humain doté d'un don de prophétie et qui transmet au peuple les messages qu'il a reçus de Dieu. Or, même si Jésus était un excellent orateur et communicateur, il a fait beaucoup plus que transmettre des messages au peuple. Ce n'est pas non plus dans ce sens qu'il employait l'expression.
L'expression « Fils de l'homme » figure aussi dans les Psaumes pour désigner l'être exceptionnel que Dieu se choisira et qu'il élèvera à sa droite. Elle est également utilisée dans le Livre de Daniel pour désigner, dans une de ses visions, un être céleste ressemblant à un « Fils de l'homme », à qui Dieu donnera la domination et la gloire et le règne, l'être qui dominera éternellement les nations. Voilà probablement le sens caché de cette mystérieuse expression.
À mon avis, Jésus a utilisé cette expression pour une raison bien particulière, à savoir pour qu'elle ne soit comprise uniquement que par des érudits afin que s'accomplissent ainsi les écritures.
Les prêtres avaient une connaissance pointue des faits et des gestes à accomplir et des paroles à prononcer durant les sacrifices et les rituels, mais ils avaient une connaissance somme toute relative des textes sacrés. Par contre, les rabbins, eux, étaient des docteurs de la Loi et avaient une connaissance approfondie des textes sacrés et étaient en mesure de comprendre parfaitement le sens que Jésus donnait à l'expression « Fils de l'homme ».
Il n'y a nul doute que les rabbins ont informé les prêtres de la signification réelle de l'expression «Fils de l'homme » et ont demandé au Sanhédrin de se saisir de l'épineuse question. C'est parce que le Sanhédrin connaissait réellement le sens de cette expression que Jésus a été si rapidement condamné et que par conséquent les écritures se sont accomplies.
La condamnation, la crucifixion et la mort de Jésus-Christ étaient indispensables au Salut du monde. Comme l'indique si bien Saint Paul dans son Épître aux Romains, « à cause du péché d'un seul homme, toute l'humanité entière a été condamnée, mais grâce au Sacrifice librement consenti de Jésus-Christ, l'humanité est rendue juste devant Dieu, malgré sa propension aux péchés ».
Pourquoi Jésus ne voulait pas que le peuple en général saisisse le sens de l'expression « Fils de l'homme »? Je ne le sais pas, mais il est possible que ça ait nui à sa mission. Cela dit, je laisse encore une fois la question à votre libre appréciation.